Il est né à Trèves voici 200 ans.

Deux siècles après, l’actualité de Marx est celle d’une manière de penser notre monde et, plus précisément, le rapport entre ce qui nous détermine et ce qui nous rend libre : savoir de quoi notre “point de vue” est fait, connaître nos motivations, analyser nos intérêts en tant qu’ils sont opposés à ceux des autres,… surmonter  notre égoïsme. Au delà de ce que la traîtrise de ses épigones a fait des libertés morale, politique et économique, la pensée de Karl Marx, le matérialisme dialectique, reste une voie d’entrée dans la libération des esprits.

D’où, en premier lieu, un principe méthodologique séduisant : penser l’homme globalement, à la fois sous les angles sociologique, économique, historique, géographique, etc… Au delà, le penseur Karl Marx a développé une approche dialectique dont on ignore souvent son enracinement dans la tradition juive, la lecture du Talmud, le sens de l’obligation shabbatique de limitation et de réflexion, à l’instar du Créateur… qui s’achève dans le sens de l’autodérision salvatrice,… et l’humour.

En passant donc, une blague juive : Dans une yéshiva, deux élèves discutent d’une mitsa. Le maître passe. Le premier élève dit : « rabbi, moi je pense que c’est ainsi qu’il faut le comprendre, qu’en pensez-vous ? Le vieux maître répond : « tu as raison ». L’autre élève dit à son tour : « et moi, rabbi, je pense que c’est ainsi qu’il faut le comprendre, et vous qu’en pensez vous ? » le vieux maître répond : « tu as raison » alors le premier répond : « mais rabbi, nous ne pouvons pas avoir raison tout les deux » alors le vieux maître répond : « tu as raison ». Deux opinions en font trois !

Ainsi, rien ne saurait être définitif, ni la parole, ni la réalité,… et toute révolution est dans l’ordre des chose. Martin Buber écrivait « Dieu m’a fait libre et je le trahis si je me laisse contraindre »  (“Gog et Magog : chronique de l’époque napoléonienne”)

L’idée de Création ne mérite ce nom qu’à la condition qu’y intervienne cette phase de reprise au “septième jour”. Cela la fait échapper à toute irréversibilité.

Au fond, en regardant ce qu’il a fait, le créateur conçoit et institue l’humain comme son associé et son coopérateur afin que soit parachevée son œuvre. Le moment shabbatique d’auto-limitation du pouvoir divin est au centre de la tradition théologique juive. Il  autorise l’humain à prendre son autonomie effective pour déployer sa propre créativité. En passant, il faut aussi accepter que la réussite n’est pas forcément au rendez-vous. La preuve ? Caïn et Staline,… entre autres (*). Mais la liberté de pouvoir le faire est ainsi donnée à l’humain.

En 1910 Jean Jaurès, croyant convaincu, déclarait dans un discours à propos des fondements de la pensée socialiste, de ses origines, de ses valeurs pérennes et de ses perspectives historiques : « Nous perdrions beaucoup … sans le sérieux de ces grands Juifs qui ne concevaient pas seulement la justice comme une harmonie de beauté mais qui la réclamaient passionnément de toute la ferveur de leur conscience, qui en appelaient au Dieu juste contre toutes les puissances de brutalité » (J. Jaurès, « Sur la Laïque »).

Cette tradition de réflexion dialectique et de culture du doute est également partageable par les athées.

La culture du doute et de la réversibilité des choses et des paroles a pu se déployer – et consolider la philosophie allemande – dans un contexte social et politique sinon de parfaite tolérance religieuse, du moins de co-existence fertile des théologies et de leurs disputes. Ainsi le concept d’aliénation chez Hegel, entre autres, est indissociable de l’enseignement de Moses Mendelssohn (également surnommé le “Luther moderne” suite à sa traduction de la Tora).

Nota bene : face à cette coexistence fertile dans le monde théologique germanique entre judaïsme et différentes fois chrétiennes divergentes, le fait et l’ampleur de la Shoah nous semble toujours aussi invraisemblable. Comment penser la culture de la pensée allemande sans sa part de judéité ?

Marx était petit-fils de rabbin et fils d’un juriste converti au protestantisme (pour pouvoir entrer dans la fonction publique prussienne).[divider][/divider]

(*)… les Marxistes aussi et Karl Marx disait « je ne suis pas marxiste« [divider][/divider]

Allez voir aussi dans “Archives” d’autres articles susceptibles de vous intéresser.[divider][/divider]