Le mardi 30 juin en soirée, son Excellence l’Ambassadeur d’Allemagne faisait ses adieux dans le jardin de la Résidence, le Palais Beauharnais, devant un aréopage impressionnant de femmes et d’hommes politiques (dont l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing, l’ancien premier Ministre Jean-Marc Ayrault, Harlem Désir, Secrétaire d’État aux Affaires européennes)…, de parlementaires, de diplomates et de hauts fonctionnaires activement impliqués dans l’amitié franco-allemande, ainsi que très nombreux représentants de la société civile qui doivent tant à la présence permanente de Madame Wasum-Rainer à leurs côtés.

Jamais un Ambassadeur allemand ne s’était tant préoccupé du contact avec la société civile et n’avait autant fait pour que la collaboration avec les représentations diplomatiques allemandes en France soient si régulières, si approfondies et si fructueuses. Nous avions déjà évoqué sur ce site le départ de Madame Wasum-Rainer et l’arrivée prochaine de Monsieur Nikolaus Meyer-Landrut  (voir l’article A propos de l’arrivée prochaine du nouvel Ambassadeur d’Allemagne). Vous y trouverez le témoignage de notre gratitude pour le soutien que Madame Wasum-Rainer a apporté à nos associations franco-allemandes.

L'Ambassadeur d'Allemagne  , Madame wasum-Rainer et le Président de la FAFA, Hans Herth

L’Ambassadeur d’Allemagne , Madame Wasum-Rainer et le Président de la FAFA, Hans Herth

Le discours de Madame l’Ambassadeur, prononcé  du haut du perron des salons de la Résidence, fût le moment fort d’une soirée très détendue, mais également empreinte d’une certaine tristesse de voir partir (pour Rome, comme son prédécesseur) cette figure exceptionnelle après seulement trois ans de présence.

C’est pourquoi, nous avons tenu à le partager ici avec tous les amis du franco-allemand qui ne pouvaient pas être parmi nous.

Voici, in extenso, cet émouvant discours (avec quelques pointes de cet humour dont l’Ambassadeur nous a fait profiter si fréquemment, pour notre plus grand plaisir) :

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Monsieur le Président,
Messieurs les Premier Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Et surtout chers amis,…….

Je suis très heureuse que vous soyez venus ici aujourd’hui. 

Si le 30 juin est devenu une date décisive pour l’Union européenne, il marque pour moi le jour de ma réception d’adieu. 

Mon mandat d’ambassadeur d’Allemagne en France touche à sa fin. Dans quelques semaines à peine, je quitterai ce pays merveilleux, cette ville magnifique et cette demeure exceptionnelle qu’est l’Hôtel de Beauharnais. 

Je me réjouis à la perspective du nouveau poste qui m’attend et de la dynamique qu’engendre ce nouveau départ.  Je vois comme une véritable chance ces changements réguliers qu’offre la vie diplomatique, aussi bien pour les diplomates eux-mêmes que pour le travail de leurs ambassades. 

Ce sera, cette fois encore, un profond changement pour moi : De même que depuis mon arrivée en 2012, j’ai pu pleinement me consacrer à la découverte de la France, je vais à présent tourner mon esprit, mon cœur et ma curiosité vers un autre grand pays européen, l’Italie. 

Mais je dois avouer que quitter mon poste en France n’est pas si facile.  Une nouvelle fois, comme si souvent dans ma carrière, je constate la justesse du Rondel de l’adieu : « Partir, c’est mourir un peu, c’est mourir à ce qu’on aime. On laisse un peu de soi-même. » (*)

Mais je vous assure que la joie et la gratitude d’avoir eu la chance de servir nos deux pays à ce poste l’emportent amplement sur la tristesse que je ressens à devoir quitter Paris. 

Car après ces années infiniment enrichissantes et gratifiantes, la route continue.  J’ai beaucoup appris et compris beaucoup de choses.  J’ai vécu des moments très intenses et atteint un certain nombre d’objectifs. 

J’ai des souvenirs qui ne me quitteront plus.  Je me suis prise d’affection pour la si belle langue de ce pays à laquelle je resterai indéfectiblement attachée.  

J’ai débuté ici, lorsqu’avec le nouveau gouvernement de la grande coalition d’Angela Merkel en Allemagne et le nouveau gouvernement du parti socialiste sous le président Hollande en France, le moteur franco-allemand connaissait encore de nombreux à-coups.
Aujourd’hui, ce moteur fonctionne à nouveau parfaitement, et même mieux que jamais. Pour autant, aucun ambassadeur ou ambassadrice n’y est pour quoi que ce soit. Les circonstances ont soudé nos deux pays. Mais ce n’est ni le lieu ni l’heure pour parler des crises en Ukraine, en Afrique, en Grèce ou ailleurs. 

Mon séjour ici a été très riche et j’aimerais revenir brièvement sur quelques-uns des événements auxquels j’ai pu assister et qui ont marqué ces trois années : 

Pendant l’été 2013, après des années d’hésitation et de réflexion, le moment est venu pour les présidents de nos deux pays de se rendre ensemble à Oradour-sur-Glane. 

En juin 2014, sur l’invitation du président français, la chancelière allemande a assisté aux cérémonies commémorant le débarquement allié en Normandie et le début de la libération de notre continent de l’occupation allemande. En marge de ces commémorations, nos deux dirigeants ont œuvré au maintien de la paix en Europe. 

Je pense aussi au centenaire de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France au Hartmannswillerkopf en août 2014. Commémoré par une émouvante cérémonie européenne, il a aussi offert une nouvelle occasion de célébrer l’amitié franco-allemande.

Puis est arrivé le tragique mois de janvier 2015. L’Allemagne s’est associée à la France pour pleurer les victimes des attentats contre Charlie Hebdo, l’Hyper Casher et les forces de l’ordre de ce pays. 

C’est ensuite la France qui a témoigné sa solidarité avec l’Allemagne en mars 2015 suite au crash d’un avion de la Germanwings dans les Alpes françaises. 

Au cours des dernières années, j’ai beaucoup appris sur les relations entre nos deux pays. 

Deux pays aussi insupportables qu’incontournables l’un pour l’autre. 

Deux pays que l’histoire sépare autant qu’elle rapproche. 

Deux pays extrêmement différents qui ont mené à bien un courageux processus de réconciliation, et avec quel succès !  

Deux pays conscients de leur vocation européenne. 

Que nos deux pays soient différents s’avère un grand atout pour l’Europe. Les concessions et les compromis sont capitaux et, face à l’importance des accords franco-allemands, les efforts qu’ils ont coûtés pèsent bien peu. 

Il en va exactement de même avec l’Europe qui est bien plus que la somme des contributions de ses États membres. 

Et c’est pourquoi, dans le cadre de mon travail franco-allemand, je n’ai pas seulement beaucoup appris sur les relations entre nos deux pays, mais aussi sur l’Europe. 

Plus que jamais, je suis absolument convaincue de la justesse de notre projet européen. Plus que jamais, je sais que l’Europe est le plus grand allié de la jeune génération et des générations futures. 

Je me réjouis par conséquent que mon prochain poste me permette de continuer à accompagner ce projet européen, et donc le moteur franco-allemand. 

Et j’ai de nombreuses autres raisons de me réjouir. 

J’entends parfois dire en France que les Français seraient des Italiens tristes, et les Italiens des Français de bonne humeur.  Si c’est vrai, je ne peux qu’y gagner ! 

Ces jours-ci, on me demande souvent quel est le bilan de mon séjour ici. Permettez-moi de ne parler aujourd’hui que du positif. 

Mon legs le plus visible est un petit arbre que j’ai eu la joie de planter dans le jardin de l’Hôtel de Beauharnais et qui se trouve juste ici.

Chers amis,

Vous aurez le plaisir d’accueillir le nouvel ambassadeur dans quelques semaines. Je suis très honorée que ce soit lui qui ait été choisi pour me succéder. Il est assurément l’un des meilleurs de notre corps diplomatique. 

Je voudrais à présent conclure avec ces trois phrases : 

– Merci pour le soutien que vous m’avez apporté pendant mon séjour en France et pour votre implication au service de l’amitié franco-allemande.

– Au revoir et à bientôt !

– Vive l’Europe et vive l’amitié franco-allemande !

Vive la France, vive l’amitié franco-allemande ! 

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(*) Le Rondel de l’adieu d’Edmond Haraucourt en version intégrale

Partir, c’est mourir un peu,
C’est mourir à ce qu’on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu.
C’est toujours le deuil d’un vœu,
Le dernier vers d’un poème ;
Partir, c’est mourir un peu.
Et l’on part, et c’est un jeu,
Et jusqu’à l’adieu suprême
C’est son âme que l’on sème,
Que l’on sème à chaque adieu…
Partir, c’est mourir un peu.