En ce début du mois de mai, c’est le moment de se rappeler que ce jour symbolique de l’histoire des luttes syndicales a aussi été la « victime » de bien des détournements par les totalitarisme du 20e siècle.
L’aventure malheureuse d’un premier 1er mai franco-allemand
En France, la « Fête du Travail » est instaurée pour la première fois le 24 avril 1941 par le régime de Vichy.
Le gouvernement du Maréchal Pétain avait été le seul gouvernement parmi tous les pays Européens à avoir aligné son pays sur l’Allemagne nazie. La fête du 1er mai, d’abord célébration vichyste de la « Révolution nationale », sera néanmoins confirmée par le gouvernement issu de la Libération, en avril 1947.
En Allemagne – ah ! le fameux « modèle allemand » servi à toutes les sauces – le 1er mai avait été déclaré férié une première fois le 10 avril 1933.
Le lendemain du 1er mai 1933 – l’année de la prise de pouvoir des Nazis – les syndicats sont interdits… Oh ! Le joli mois de mai !
Un an après, en 1934, la fête des travailleurs est déclarée « Fête Nationale du Peuple Allemand« … Serait-ce là l’origine de cette horripilante image des « Allemands travailleurs et disciplinés », autre version fallacieuse de l’incontournable modèle allemand ?
En RDA, le 1er mai était la « Journée internationale de combat et de célébration des travailleurs pour la paix et le socialisme » (pourquoi faire court quand on peut mentir longuement). Le symbole en était un oeillet rouge,… C’est moins galant que le muguet offert par Charmes IX aux Dames de sa cour.
Pour un nouveau 1er mai franco-allemand !
Aujourd’hui le 1er mai est – le plus souvent possible – un week-end long, l’occasion d’un « pont » et, occasionnellement, d’un « viaduc ». Au fond, c’est assurément une façon plus « soft » de fêter le travail et une meilleure façon de faire du franco-allemand : profitez-en pour faire une escapade chez le voisin !
A vos Guides Verts Michelin et envahissez donc l’Allemagne ! Sus aux vertes campagnes, noires forêts, châteaux, abbayes baroques, Kaffee-Kuchen, maisons à colombages, Riesling et autres joyeusetés d’outre-Rhin comme, par exemple, le Maibaum (Arbre de mai). Allez donc les admirer. Bien sûr, ça ne vaut pas le voyage, mais c’est intéressant et ça mérite peut-être même le détour.
Der Maibaum
Après l’arbre de Noël et l’arbre de Pâques, voici l’arbre de Mai : les Allemands vénèrent les arbres ! (*) et toutes les occasions sont bonnes pour dresser un arbre en place publique.
Autrefois, la tradition de l’arbre de Mai était européenne, aujourd’hui elle reste vivace en Allemagne du Sud et rhénane. Nos anciennes mythologies faisaient de mai un mois des fête en l’honneur de la végétation, des fleurs, des sources et de l’eau. A cette occasion on célébrait aussi les ancêtres fondateurs de lignées, l’amour et même l’érotisme. Le nom même de ce mois dérive de Maia, la déesse de la fécondité. Plus tard – christianisme oblige – le mois de mai a été revu et corrigé en mois de la Sainte-Vierge Marie. Mais l’arbre est resté comme témoignage des anciennes croyances aux forces de la nature et leur domestication par les ancêtres, les héros et les dieux primordiaux.
L’élévation du Maibaum est l’occasion de processions, de danses joyeuses et prestations musicales des orphéons municipaux. Pendant que les uns s’activent à le dresser, les autres les observent en dégustant… force bières et saucisses grillées (what else !). On démonte l’arbre à la fin du mois, mais parfois il reste en place jusqu’en automne. En Bavière – les Bavarois sont une nation très conservatrice – il reste souvent en place toute l’année.
La nuit du 1er mai était aussi la nuit de la Walburge, une soeur bénédictine anglaise que Saint Boniface fit venir en Allemagne pour y revigorer la foi chrétienne. Abbesse de Heidenheim, elle s’y connaissait en matière de magie et de guérison par les plantes. Elle mourut en 778 et l’on raconte que de son tombeau jaillit une huile miraculeuse qui protégeait de toutes sortes de maléfices. En son souvenir, durant la nuit du 30 avril au 1er mai, les Allemands allument volontiers un feu réputé purificateur.
L’Inquisition ne resta pas indifférente aux dérives de la fête de mai et condamna la nuit du 1er mai en la qualifiant de sabbat des sorcières. Au Concile de Milan, en 1579, l’Église a interdit « de couper les arbres avec leurs branches, de les promener dans les rues et dans les carrefours, et de les planter ensuite avec des cérémonies folles et ridicules ».
(*) D’ailleurs les peuples de la Germanie antique abusivement qualifiés des tribus sont dans le vocabulaire ethnologique allemand des Stämme, littéralement des troncs (d’arbre). L’arbre est donc le début de toute chose et nos diverses « racines » nationales ne sont pas loin.